Avec les bonnes nouvelles du moment, les vaccins, les tensions politiques qui s'apaisent, on assiste au grand retour des actions dites "value", ce segment des actions décotées comportant notamment les bancaires, l'automobile, c'est à dire les actions les plus favorisées par les perspectives de reprise économique et de hausses de taux. Ce mouvement est-il durable ?
Commençons par une analyse des gérants value de chez Rothschild :
Style “value” : On parle de style “value” lorsque l'investisseur recherche des sociétés sous-évaluées par le marché à un instant donné, c’est-à-dire dont la valorisation boursière est inférieure à ce qu’elle devrait être au regard des résultats et de la valeur des actifs de l’entreprise. Les investisseurs “value” sélectionnent des titres présentant des ratios cours/valeur comptable faibles ou des rendements de dividendes élevés.
Style “croissance” : L’investisseur privilégiant le style “croissance” se focalise principalement sur le potentiel de croissance des bénéfices des sociétés en espérant que la croissance du chiffre d’affaires et des résultats soit supérieure à celle de son secteur ou à la moyenne du marché.
Rothschid & co Asset Management : Pourquoi le rebond de la “value” pourrait-il perdurer ?
"À court terme, le momentum de nouvelles sur le plan sanitaire devrait perdurer au cours des semaines, principalement aidé par de nouveaux résultats positifs sur les vaccins (Astra, GSK/Sanofi notamment). S’en suivra sa diffusion à travers le monde, avec de larges campagnes de vaccination dont nous commençons à entendre parler dès à présent, et qui sera le préalable à une normalisation définitive de la situation sanitaire.
À moyen terme, l’earnings momentum devrait être un support solide pour les sociétés “value”. Lors des publications du 3ème trimestre, les sociétés ont surpassé les attentes, de 13% sur les bénéfices par action en Europe, ce qui constituait le pourcentage de surprises positives le plus élevé depuis plus de 10 ans ! Même si le 4ème trimestre sera sous pression du fait des confinements mis en place dans différents pays, les bases comparables de résultats seront particulièrement attractives en vue des résultats 2021 (dès le 1er trimestre), notamment en cas de reprise procyclique.
Ce potentiel de rebond est bien évidemment beaucoup plus important pour les valeurs cycliques et financières que pour les autres valeurs.
À long terme, la courbe des taux pourrait également favoriser le style “value”. La corrélation des taux et du style “value” n’est plus à démontrer. Certes les taux sont restés sur des niveaux bas, voire ont baissé au cours de l’année 2020. Il est par ailleurs très probable que les taux courts demeurent sur des niveaux faibles afin de monétiser les dettes des États et financer les plans de relance à venir. Mais une augmentation des anticipations inflationnistes sur les obligations européennes comme on l’a observé sur les obligations américaines pourrait être un moteur puissant pour la “value”. Dans ce contexte, le niveau des taux devrait, au pire ne plus être le vent contraire qu’il a constitué ces dernières années, au mieux être un moteur de surperformance pour le style“value”. Ces taux bas qui avaient favorisé les valeurs de “croissance” pourraient, s’ils se redressent, permettre aux valeurs “value” de bénéficier d’un potentiel de re-rating qui est quasi inexistant pour les sociétés “croissance”.
Par ailleurs, la violente rotation sectorielle à laquelle nous avons assisté résulte également et principalement du débouclage des positions techniques, notamment chez les hedge funds (ou fonds alternatifs). Ceci reflète le premier acte de l’intégration par le marché d’un retour vers la normalisation. Avec une issue trouvée à la crise sanitaire, il paraît désormais beaucoup plus difficile de vendre à découvert les valeurs “value”.
Enfin, l’Europe, particulièrement touchée par la pandémie et plus exposée que les États-Unis à la thématique “value”, tant au niveau du poids des secteurs que dans la valorisation des titres, pourrait également bénéficier d’un vif regain d’intérêt dans le cas où cette rotation de style se mettrait en place de part et d’autre de l’Atlantique. De surcroît, une issue définitive et favorable sur le Brexit lèverait une incertitude de longue date pour le vieux Continent, et pourrait favoriser le retour des investisseurs internationaux."
Lorsque l'on regarde le style value par rapport au style croissance (qui comporte notamment la tech et le luxe), l'écart de performance est le plus important de puis les années 2000. Les bancaires et autres actions de type value partent de très bas :
Parier sur un retour à la moyenne est-il raisonnable ?
Il faut dire que le sentiment général est ultra optimiste sur les marchés actuellement.
La demande de couverture sur le marché des options est à un niveau très faible :
Les conditions de liquidité sont revenues à leur niveau de février :
Plus aucunes craintes chez les investisseurs particuliers. C'est all-in :
Même les perma-bears (les éternels négatifs) basculent dans l'optimisme :
Il n'y a jamais eu aussi peu de vendeurs sur l'indice américain S&P 500 :
L'ambiance est donc extrêmement positive.
Alors, oui, il y a de bons arguments pour la value à court terme. Les investisseurs dynamiques peuvent se positionner et c'est ce que nous avons fait il y a quelques temps en conservant des proportions raisonnables. Avec l'optique de pouvoir sortir rapidement lors du prochain retournement de tendance.
Mais j'ai toujours tendance à me méfier lorsque tout le monde semble du même côté.
Ce rally value ne me semble pas tenable sur un horizon long terme. En effet, pour que la value continue d'aller durablement plus haut depuis les niveaux actuels, il faudrait revenir à une situation normalisée.
Normalisée à la fois sur le plan sanitaire, économique et financier.
Or, cela me semble parfaitement impossible : il est certes possible que la situation se normalise sur le plan sanitaire en courant d'année prochaine si les vaccins sont disponibles, efficaces, et que les gens se font effectivement vacciner. Dans l'intervalle, les cas augmentent massivement aux USA en ce moment même. Avec les températures qui ont considérablement baissé outre-Atlantique, cela ne va pas aller en s'améliorant.
Mon inquiétude par rapport aux perspectives du value à plus long terme se situe plutôt du côté financier.
En effet, après les tombereaux de dettes accumulées à la fois par les entreprises, les états, et les banques centrales, il me semble complètement illusoire de revenir durablement à des taux US plus élevés. La dette ne serait pas supportable. Le système est durablement fragilisé. Sans compter qu'il va falloir en faire encore plus pour pallier aux difficultés économiques et financières à venir (vague de défauts et de faillites, problématique posée sur les produits complexes types CLO, hausse du chômage...). Les problèmes restent entiers et ont simplement été décalés dans le temps. Les marges de manœuvre se sont considérablement amenuisées. La dette va être un boulet. Les politiques monétaires resteront accommodantes, et il faudra même aller plus loin. Dans ce contexte, impossible de supporter des taux sensiblement plus élevés (toutes échéances).
Et sans écarts de taux durablement plus élevés et une économie qui repart sainement, impossible de voir le segment des actions value aller durablement plus haut.
D'ailleurs, même ce scénario idéal pose problème pour le secteur bancaire : des taux longs plus élevés mettront en difficultés les débiteurs, donc les créanciers, donc les banques...
A mon avis le marché joue aussi Lagarde en décembre, qui pourrait donner l'autorisation aux banques de distribuer à nouveau des dividendes.
Pour finir sur ce sujet, n'oublions pas que personne, absolument personne ne sait "pricer" convenablement les bancaires. Certes, elles ont bien baissé, et donc elles partaient probablement d'un point bas. Mais le sujet des créances douteuses reste entier. Oui il y a la BCE donc pour le moment cela tient, mais on a également pu voir que les tensions politiques européennes restent un sujet récurrent (dernièrement avec la Hongrie, la Pologne).
Rappel : les soldes de balances Target 2, l'Allemagne supporte tout ! En même temps, elle est prise au piège et ne peut courir aucun risque en raison son système bancaire problématique. Nous allons aller jusqu'au bout de l'expérience. Quand on parle de système fragilisé...
Projection des bilans des quatre principales banques centrales de la planète à décembre 2022 selon Morgan Stanley : toujours plus de liquidités !
Attention, d'ailleurs ! La courbe des taux américaine s'est dernièrement aplatie. Certains analystes s'attendent à ce que la Fed réoriente ses achats vers des bons du Trésor à plus long terme tout en maintenant les montants en dollars du QE inchangés.
Impact sur les marchés obligataires et sur l'or
Du fait de cet optimisme général, on assiste à de grosses sorties sur le marché obligataire américain et sur le marché de l'or :
Du coup, les mines d'or se font chahuter dernièrement !
Pourtant, comme évoqué juste avant, les dettes accumulées et le besoin d'aller plus loin en taux réels négatifs n'ont pas disparu comme par magie. Sans doute une opportunité d'entrée ou de renforcement ? Il faudra être malin dans cette phase de baisse pour lisser efficacement son point d'entrée.
S'intéresser à l'or quand il est boudé, et non pas lorsqu'il fait la une de la presse (ailleurs que sur Thinkcgp...)
Un update du secteur des minières aurifères par Ixios Gold :
Ces données ont été publiées avant la baisse récente.
Ixios :
En octobre, le marché de l’or a poursuivi sa correction lente qui a commencé au début du mois d’août. La hausse des taux nominaux américains, la volatilité du dollar, l’incertitude électorale et les espoirs fébriles d’une reprise économique imminente ont créé des mouvements aléatoires dans un volume de transactions réduit. La plupart des opérations marginales ont été à la baisse, car les spéculateurs à faible conviction ont continué à liquider leurs positions longues sur le marché à terme. L’or a terminé le mois en baisse de 1%, tandis que les actions aurifères ont baissé de 4,22% (GDMNTR) et votre fonds de 5,12% (pour la classe I).
Il y a deux côtés aux actions aurifères. D’abord et avant tout, le marché les traite comme une façon de se procurer un effet de levier sur la direction future du prix de l’or. L’existence d’un ETF très liquide, le GDX, a fait que, d’une certaine manière, le secteur est devenu un terrain de jeu des hedge funds macro. La combinaison d’une bonne liquidité et d’une forte volatilité le rend idéal pour le trading.
Le deuxième aspect est cependant une collection d’entreprises qui mènent, avec divers degrés de succès, une entreprise minière dont le produit principal se trouve être l’or.
Sur les critères d’évaluation fondamentales, les entreprises du secteur continuent d’être d’excellents. Les exemples en série de mauvaise allocation de capital au cours du dernier cycle haussier ont été évités par les équipes de direction conditionnées par l’expérience de mort imminente de 2012-2015 où beaucoup d’entre eux ont lutté pour éviter la faillite en raison directe d’une politique d’investissement erronée antérieure.
Au cours des derniers trimestres, la hausse du prix de l’or a offert au secteur une manne de cash flow inattendu. Jusqu’à présent du moins, la discipline a été maintenue et une partie importante de cette manne a été rendue aux actionnaires par le biais d’augmentation de dividendes. Il n’y a pas eu d’excès en ce qui concerne les fusions et acquisitions ni l’annonce de nouveaux projets à budget important. Le message de la plupart des directions est de se contenter de projets de développement modestes financés en interne et d’augmenter progressivement les dividendes.
Et en effet la saison des résultats du 3ème trimestre a apporté d’énormes augmentations de dividendes à travers le secteur :
Pour la première fois depuis de nombreuses années, le rendement du secteur – encore modeste – dépasse celui du S&P500.
Les perspectives de croissance des marges restent positives. Du côté des coûts, nous n’avons pas vu l’inflation observée lors du dernier cycle haussier. Les entreprises restent extrêmement vigilantes sur le contrôle des coûts et lorsque les dépenses supplémentaires sur les précautions Covid19 tombent enfin, nous nous attendons à ce que les coûts continuent de baisser. Vous pouvez voir dans le tableau ci-dessous comment les coûts d’extraction et de maintenance de l’industrie (AISC) ont explosé à la hausse avec le prix de l’or au cours du marché haussier 2000-2011, mais comment ils sont restés très sages ces trois dernières années.
Pendant le marché baissier de 2012-2015, le secteur a connu une contraction violente des multiples de valorisation en plus d’une forte baisse des bénéfices. Malgré la reprise des bénéfices, des bilans beaucoup plus solides et une nouvelle discipline en matière de dépenses en capital, l’industrie n’a pas encore retrouvé la confiance des investisseurs. Cela viendra avec le temps et nous verrons le phénomène inverse –l’augmentation des bénéfices et une hausse du multiple sur lequel ces revenus sont évalués.
Alors que nous nous dirigeons vers 2021, je vois d’autres catalyseurs à l’horizon autres que des bénéfices plus élevés et des dividendes en hausse. La principale est une vague de fusions et acquisitions.
Cette vague se fera en deux catégories distinctes : l’acquisition de petites entreprises juniors par les majors et un nombre croissant de fusions entre entreprises de niveau intermédiaire.
L’idée de M&A peut sonner l’alarme en termes de répétition des excès de fusions et acquisitions de 2011-2012. Cependant, je ne pense pas que nous ayons besoin de nous inquiéter. Les transactions sur les juniors seront principalement pour les petites entreprises dans la gamme 100m-500m de capitalisation. La plupart des transactions plus importantes seront des fusions d’égaux sans prime.
Les grandes entreprises doivent acquérir de nouveaux actifs pour remplacer leurs réserves en baisse. Au cours de la crise de 2012-2015, les dépenses d’exploration de l’industrie ont été réduites à presque zéro, tandis que les dépenses de la période précédente ont donné de résultats très décevants.
La plupart des succès d’exploration obtenus ont été réalisés par des entreprises juniors.
Nous pouvons avoir un bon aperçu du début de ce cycle en examinant quelques offres sur les juniors récentes :
Quatre des six offres faites pour les juniors au cours de la dernière année ont été lancées par des majors chinoises. La Chine, premier producteur mondial d’or avec 400 tonnes par an, a des réserves prouvées au sol de seulement 2000 tonnes. Confrontées à l’extinction dans quelques années, les majors chinoises tentent désespérément de remplacer ces réserves par des acquisitions à l’étranger dans des juridictions mieux dotées. Ils s’y sont pris quand-même très tard.
Bien que la situation soit moins grave en Amérique du Nord avec environ 10 ans de réserves, les délais de
développement ici sont très longs – au moins 10 ans de la découverte au premier or – et les majors occidentales savent qu’elles doivent agir maintenant afin d’éviter une crise au milieu de la décennie.
Les restrictions de voyage en raison de Covid ont retardé la due diligence sur les acquisitions jusqu’à présent, mais dès que ces restrictions sont assouplies, nous nous attendons à ce que le cycle de fusions et acquisitions décolle.
La deuxième partie du cycle M&A consiste en des fusions entre entreprises de niveau intermédiaire. Beaucoup d’entreprises qui sont grandes en termes du secteur sont petites pour le marché en générale.
Le seuil de capitalisation boursière pour l’entrée dans le GDX, par exemple, est de 750 millions USD – presque un microcap en termes institutionnels américains. Ces entreprises sont en grande partie hors du radar pour tout le monde, sauf les fonds miniers spécialisés. Au fur et à mesure que ces entreprises montent en termes de capitalisation boursière, il y a une réévaluation presque mécanique car elles deviennent investissables par un plus large gamme de fonds et entrent dans des indices de référence nationaux. Il y a des avantages supplémentaires à l’égard d’une plus grande diversification des actifs et des compétences, de synergies en matière de coûts et d’un coût du capital réduit.
Andy BUSSAGLIA est conseiller en gestion de patrimoine depuis plus de 10 ans.
Il est associé-gérant du cabinet Family Patrimoine à Meylan, près de Grenoble.
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