Powell veut retirer le bol de punch
Les Echos : Aux Etats-Unis, Jerome Powell met fin à l'idée d'une inflation « transitoire »
Lisa Abramowicz : « Powell le patron de la Fed prend soudainement un nouveau ton, et les marchés ont du mal à situer à quel point il s'agit d'un pivot de la politique. "Les marchés seront très réactifs aux données, probablement trop réactifs. Il y a beaucoup de brouillard que nous devons traverser". »
Bloomberg : "Un Powell hawkish est une force à laquelle les marchés n'ont pas fait face depuis 3 ans".
Lisa Abramowicz : « Les marchés sont en dents de scie, laissant une image plutôt incohérente de l'humeur collective. Cependant, certaines tendances plus notables se sont maintenues. Parmi eux, l'écart entre les taux à 5 ans et à 30 ans n'a cessé de se réduire au plus bas depuis mars 2020. »
Lien entre taux et inflation
Frédéric Rollin – Pictet, sur le lien entre les taux et l'inflation :
Les marchés obligataires ne sont plus ce qu’ils étaient. Les matières premières remontent, les entreprises peinent à embaucher et tout se renchérit. L’inflation se réveille et pourtant les taux obligataires restent de marbre. Pourquoi tant d’indifférence ?
Pour mieux comprendre, rappelons les fondamentaux.
« Taux et inflation : un mariage de raison.
Les taux restent généralement supérieurs à l’inflation. Les investisseurs obligataires souhaitent à juste titre prévenir une érosion de leur épargne. Ils demandent donc un taux de rendement supérieur à l’inflation. Les entreprises et les états sont prêts à payer des coupons au-dessus de l’inflation. « En toute logique », la rentabilité espérée d’un investissement obligataire est supérieure à l’inflation.
De plus, les taux et l’inflation sont sensés marcher main dans la main : si une hausse de l’inflation se profile, il est raisonnable de penser que les taux s’ajustent. Les épargnants souhaiteront protéger leur épargne de l’érosion des prix et les entreprises intégreront l’inflation dans les perspectives de rendement de leurs investissements. La banque centrale pourra de plus accompagner cet ajustement en remontant les taux directeurs, refroidissant ainsi l’économie et reprenant le contrôle des prix.
Sur le principe, un taux de rendement obligataire évoluant avec l’inflation tout en restant supérieur permet à tous, prêteurs et emprunteurs, d’être satisfaits. Une belle association en somme, mais qui a subi récemment quelques coups de canif.
La banque centrale européenne sème la discorde
Aujourd’hui, la BCE reste ultra-accommodante bien que l’inflation remonte. Elle considère que l’inflation est temporaire et que la croissance économique reste fragile. De plus, en laissant filer l’inflation et en maintenant des coûts de refinancement peu élevés, elle allège la dette des acteurs économiques.
Sous son influence, les taux obligataires se sont établis nettement en dessous de l’inflation. Et si les préteurs traditionnels ne sont pas contents du niveau des rendement obligataires, tant pis. D’une part, l’alternative offerte par les rendements monétaires est encore plus pénalisante. D’autre part, les investisseurs récalcitrants sont remplacés par la banque centrale, qui achète massivement des obligations.
C’est la raison pour laquelle les rendements obligataires restent bas, relativement indifférents au retour de l’inflation.
L'influence des anticipations
Notons que les obligations ont parfois des comportements étonnants. En 1994, Alan Greenspan a drastiquement monté les taux directeurs américains et les marchés obligataires se sont effondrés. En 2003, le même homme a drastiquement monté ses taux directeurs et les obligations ont très bien réagi. Pourquoi les mêmes causes ont-elles produit des effets opposés ?
En 1994, les investisseurs considéraient que la banque centrale était très en retard. Ils anticipaient de nouveaux resserrements, encore plus violents, pour éviter un dérapage de l’inflation. En 2003, Alan Greenspan avait su convaincre les investisseurs que sa politique était adéquate. L’inflation était sous contrôle, et les hausses de taux directeurs, refroidissant l’économie, faisaient baisser les anticipations d’inflation, favorisant les obligations.
Le niveau d’inflation et les politiques des banques centrales sont essentiels pour analyser les marchés obligataires. Mais le jeu des anticipations est lui aussi important. La banque centrale va-t-elle modifier sa politique ? La modification que je pressens est-elle anticipée par les autres investisseurs ? Sera-t-elle suffisante pour ralentir l’inflation ? La banque centrale saura-t-elle agir convenablement ? Ces questions tournent dans les esprits et les évolutions des marchés obligataires en dépendent aussi. »
Frédéric Rollin – Pictet
Inflation Eurozone et taux allemand :
Les actions sont-elles une bonne couverture contre l'inflation ?
Jim Reid – Deutsche Bank : « La performance des actions en période d’inflation a toujours été un sujet de grand débat. Au final, en tant qu'actif réel, les actions devraient vous protéger de l'inflation à très long terme. Cependant, l'histoire suggère une relation inconfortable. Le premier graphique montre qu'au cours des 100 dernières années, les actions américaines ont eu des multiples beaucoup plus élevés sous une inflation faible mais légèrement positive (1-2% le point idéal), plutôt qu'en dessous et surtout qu'au-dessus.
Le stratège en actions de DB, Binky Chadha, a publié un bon article plus tôt cette semaine («Valorisation de société, bénéfices et multiples») qui examine ce sujet de manière beaucoup plus approfondie et le deuxième graphique montre le cheminement d'une grande partie des données utilisées pour créer le premier graphique. Les périodes d'inflation élevée ont été moins fréquentes que les périodes d'inflation faible, mais lorsqu'elles sont arrivées, elles ont toujours été associées auparavant à de faibles multiples sur les actions.
Cette fois, c'est différent ?
Eh bien, l'article de Binky montre que la croissance des bénéfices a toujours été fortement corrélée aux indicateurs de croissance réelle, mais pas du tout à l'inflation des prix. Les bénéfices ont fluctué autour d'une tendance stable pendant plus de 85 ans à travers de nombreux régimes, y compris des cycles de hausse et de baisse d'inflation.
Compte tenu de l'article de Binky, nous avons souligné il y a quelques semaines que les résultats du troisième trimestre ont montré que les entreprises étaient en mesure de répercuter des coûts plus élevés sur les utilisateurs finaux (peut-être en raison de la forte demande et des excédents de trésorerie dans l'économie) ; il est possible que les marges résistent encore quelques trimestres et que les actions ne succombent pas encore à la gravité historique. Le scénario haussier serait alors que l'inflation diminue et que les multiples n'aient pas à chuter fortement.
Cependant, il est également possible que nous voyions une situation dans quelques trimestres où la capacité de l'utilisateur final à absorber des coûts plus élevés diminue avec les marges à mesure que l'épargne / l'argent excédentaire diminue, et si l'inflation est toujours élevée, les multiples pourraient être beaucoup plus vulnérables.
Il est donc possible que l'inflation n'ait pas un impact massif sur les actions alors que la croissance est forte et que les entreprises peuvent répercuter les augmentations de coûts. Cependant, étant donné où se situent les multiples aujourd'hui, il serait courageux de suggérer que les actions américaines ont une bonne valeur sur une base réelle au-delà, surtout si l'inflation reste structurellement plus élevée. Ce sont mes mots, pas nécessairement ceux de Binky, mais consultez son rapport pour en savoir plus à ce sujet. »
Jim Reid – Deutsche Bank
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