Ne raisonnez pas à l'horizon de quelques mois. La crise que nous vivons est une nouvelle étape, importante, de la financiarisation à marche forcée depuis les années 70.
L'accumulation de la dette, les promesses électorales financées par les déficits, les financements d'acteurs insolvables ont été permis par la baisse continuelle des taux d'intérêts depuis 50 ans. Facile de "rouler" les dettes quand les taux d'intérêts baissent : on ne rembourse pas, on refinance. Et cela coûte moins cher en plus.
Maintenant que l'on a "tapé" le 0 %, que l'on a pour plus de 250 trillions (!) de dettes à refinancer (sans compter les dérivés attachés) dans un monde caractérisé par une croissance ralentie, dont il est complètement illusoire qu'elle sera remboursable par la croissance future (postulat démagogique d'homme politique visant à rassurer), voilà que la crise du Covid débarque.
Cette crise a permis de mettre de côté les premiers craquements. De sévères problèmes de refinancement étaient en effet visibles depuis septembre 2019 (cf. marchés interbancaires US). Qu'à cela ne tienne. Avec le Covid, les réponses offertes par les autorités ont été : déversement de liquidité sans limite. Et ce n'est à mon avis qu'un début. Face à l'ampleur des défis devant nous, il va falloir faire plus.
Les prévisions de déficits budgétaires sont également stratosphériques.
Et aujourd'hui même, le FMI indique qu'il n'est plus nécessaire pour les pays développés de penser à un retour à la normale. Plus d'orthodoxie financière. Place aux déficits sans limites pour faire face à la crise.
Bien évidemment il y aura un coût. La MMT, la nouvelle "théorie monétaire moderne" ne peut faire fi de la finitude du monde réel. Imprimer des billets supplémentaires ne peut pas créer de richesses réelles. On soulage des problèmes de liquidité, sans pour autant résoudre les problèmes de solvabilité.
Par contre, c'est un excellent (?) moyen, à terme, de dissoudre les dettes anciennes. Mais la monnaie qui va avec, aussi. Donc l'épargne. Votre épargne. En effet : l'inflation forte et l'hyperinflation détruisent le pouvoir d'achat de la monnaie, donc les dettes libellées en cette monnaie, mais également l'épargne libellée en cette monnaie (sauf si les actifs sous-jacents à cette épargne s'ajustent du niveau de l'inflation).
Attention. Ce n'est pas forcément pour tout de suite. Ces mécanismes mettent du temps à se mettre en place.
De par la crise que nous sommes en train de traverser, la tendance à la déflation est exacerbée.
Les tendances déflationnistes (baisse des prix et ralentissement de l'activité) proviennent entre autres :
- De la mondialisation des échanges, des délocalisations vers pays à bas coûts;
- Digitalisation et nouvelles technologies permettant de produire à moindres coûts;
- Des taux d'intérêts ultra bas fixés par les banques centrales. Les "gros" sont favorisés : exemple des GAFAM et plus globalement de toutes les sociétés ayant accès au robinet du crédit gratuit. Les petits ne peuvent survivre et meurent. C'est la logique du "winner takes all", les gros baissent leurs prix jusqu'à étouffer leurs concurrents et prennent tout le marché;
- Des profits trop faibles : le rendement du capital n'est plus assez incitatif, par conséquent, les innovations et l'entreprenariat s'en trouvent freinés;
- Démographie : vieillissement des populations.
Ces forces déflationnistes sont exacerbées par la crise du Covid (en théorie, ralentissement de l'activité = baisse de la demande = baisse des prix).
Comme indiqué lors d'un précédent article, même si la déflation se matérialise dans un premier temps, la force des interventions des banques centrales porte les risques d'un dérapage à terme de l'inflation.
Les tendances inflationnistes voire hyperinflationnistes proviendraient notamment des facteurs suivants :
- Injections de liquidités des banques centrales, de manière totalement débridée, et ne restant plus en circuit fermé dans le système financier. Cette fois, les gens ont reçu des chèques dans les boîtes aux lettres (USA notamment). Le chômage partiel a été directement pris en charge par l'état en France. Nombreux plans d'aide à la trésorerie des entreprises. L'argent circule réellement et ne reste plus cantonné au système financier comme cela a pu être le cas ces dernières années, et ceci a son importance;
- Perturbation des chaînes d'approvisionnement (pénurie d'offre);
- Les perspectives de relocalisation si l'on y croit toujours;
- Une Chine désormais bien placée pour être exportatrice d'inflation.
Mais on ne parle pas du tout d'une inflation qui serait "bonne" pour l'économie, avec l'échelle classique hausse des marges = hausse des salaires = hausse du pouvoir d'achat = hausse des prix = hausse des marges. Le cercle vertueux.
Non pas du tout. Cette version optimiste me semble totalement illusoire en raison des paramètres en présence. Par "inflation", il faut plutôt comprendre une dévalorisation pure et simple de la monnaie. Donc inflation oui, mais pas pour les bonnes raisons. Une inflation qui provient d'un phénomène de fuite devant la monnaie est très mauvaise. Une fuite car on imprime trop par rapport à la finitude de notre monde réel (quantité limitée de biens et services produits et échangés, d'immobilier, d'actifs réels). D'autant plus que dans l'environnement criblé de dettes que nous connaissons, si l'inflation point le bout de son nez, les banques centrales n'auront aucune marge de manœuvre pour monter les taux sans faire exploser tout le système.
Intéressant également d'observer qu'au delà des statistiques officielles présentant une inflation ralentie, les prix de ce que l'on consomme vraiment monte considérablement :
L'inflation sur ces produits serait contrebalancée par la déflation sur d'autres produits utilisés dans la composition du panier type pour le calcul de l'inflation :
Andy BUSSAGLIA est conseiller en gestion de patrimoine depuis plus de 10 ans.
Il est associé-gérant du cabinet Family Patrimoine à Meylan, près de Grenoble.
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