Ce qui n'a pas changé :
Depuis nos derniers articles, la situation n’a guère évolué :
1) Les principales banques centrales de la planète conservent toute crédibilité aux yeux des opérateurs. Nous sommes toujours dans un procédé narratif de « sortie par le haut ».
2) L’inflation n’est pas franchement repartie même si certains seuils sont incontestablement testés : rien ne permet de dire avec certitude que cette poussée inflationniste est durable, en tout cas à ce stade (notamment, effets de base lié aux matières premières). Nous reviendrons sur ce sujet plus loin dans l’article.
3) Si vous êtes dans une approche « value », recherche de valeur à long terme, de mon point de vue personnel, il n’y a que la classe d’actifs de l’or et des minières aurifères qui offre des perspectives réjouissantes. Dans le monde bullaire des actifs financiers de toute sorte, inflatés par la politique monétaire menée depuis 2009, tout est valorisé à des niveaux extrêmes. Bien sûr, dire que tout est cher ne permet pas de dire qu’un krach (the big one) est forcément pour demain : les politiques monétaires trouveront probablement de nouvelles innovations en matière de taux et de contrôle de la liquidité, au risque de franchir une étape de plus vers une crise monétaire de grande ampleur.
4) Il convient néanmoins de souligner que les amortisseurs restent bien compressés : peu de marge de manœuvre en dépit des remontées de taux de la FED. Mais jusqu’ici, le pilotage est subtilement réalisé, et la crédibilité des banquiers centraux reste intacte. Il n’y a pas à dire, jusqu’ici ils pilotent bien la chose.
Les amortisseurs sont usés :
5) Impossible de prévoir quelles seront les prochaines actions des politiques monétaires au prochain coup de chaud. Probablement un pas vers plus de répression financière, peut-être de nouvelles étapes dans la suppression du cash et dans la capacité de prélever directement sur les comptes bancaires en cas de besoin de renflouement.
Mais encore une fois, jusqu’ici, tout va bien.
Focus sur ce qui a évolué :
Toutefois, l’unanimité qui prévalait a été rompue : le stress sur les émergents et sur les périphériques a eu pour effet de rendre les opérateurs moins consensuels.
L’esprit de spéculation est devenu moins tranché, on a franchi une étape vers le « risk-off ». Les opérateurs de marché redeviennent sélectifs. C’est un signe qui n’est pas à prendre à la légère. Le fait que les valorisations soient élevées n’indique en rien un signal de correction, par contre l’appétit pour le risque peut quant à lui se révéler être le bon indicateur à surveiller. La cassure de l’unanimité peut constituer cet indicateur.
Mais jusqu’ici, le monde occidental a été relativement préservé – voire a joué un rôle de valeur refuge (notamment au travers de la tech américaine et surtout du renforcement du dollar, cause première de la dégringolade des cours de l’or).
Source : Bakersteel.
Ce renforcement du dollar (plus haut de 14 mois) est explicable par un ensemble de raisons dont l’imbrication est complexe, parmi lesquelles on peut citer :
1) Politique Trump ayant pour effet d’accroître le déficit public US : pour financer les 1000 milliards de déficits, les marchés demandent des taux plus élevés, ce qui participe donc au renchérissement de l’USD.
2) Remontée des taux de la FED.
3) Tensions commerciales et géopolitiques : les investisseurs US sortent des émergents, l’USD « revient au bercail ».
4) Rôle de valeur refuge de l’USD, notamment en anticipation du calendrier politique fourni à venir.
FOCUS MINIERES AURIFERES
D’après John Hathaway, gérant de Tocqueville Gold, Les deux dernières années ont été caractérisées par une liquidation massive de positions longues spéculatives sur l’or. Il s’appuie sur le rapport Commitments of Traders de la CFTC : les positions longues sur l’or détenues par les hedge funds et d’autres spéculateurs à grande échelle sont tombées de 893 tonnes en juillet 2016 à 13 tonnes seulement fin juin 2018.
Source : Bakersteel
Les liquidations des positions spéculatives sur l’or au cours de ces derniers mois s’expliquent principalement par la vigueur de l’USD.
Il convient de faire un rappel historique de la corrélation à long terme entre l’USD et l’or.
Le cours de l’once d’or a été multiplié par quatre au cours des 20 dernières années. Le dollar a fluctué au cours de cette période, mais inévitablement, celui-ci se dévalue par rapport à l’or.
Depuis sa création en 1913 et jusqu’en 2018, le pouvoir d’achat d’un billet d’un dollar s’est effondré de plus de 90%.
En 1971, 1 000 USD permettaient d’acheter un lingot de 1 kg. Aujourd’hui, 1 000 USD permettraient d’acheter seulement 26 grammes.
Un graphique qui retrace le prix de l’or depuis 1799 – Attention, échelle logarithmique :
Rappel des raisons fondamentales favorables à la classe d’actifs des minières aurifères :
1) Taux réels à des niveaux historiquement bas, qui ne peuvent augmenter considérablement sans défauts massifs du fait de l’endettement de l’ensemble des intervenants (états, entreprises, ménages, endettement spéculatif type « carry-trade » et produits dérivés sur les marchés financiers).
En effet, les taux bas ont encouragé et habitué les opérateurs à certains comportements :
a) Il est possible d’emprunter à taux très faible pour spéculer sur des actifs financiers, ou pour financer à crédit des opérations ayant constitué des moteurs majeurs de la hausse des marchés financiers, particulièrement au cours de ces derniers mois : rachats massifs de titres, fusions/acquisitions, distributions de dividendes ;
b) Allongement des horizons d’investissement et / ou augmentation du risque pris pour obtenir une rémunération sur l’épargne ;
c) Et globalement, accès au crédit facile par l’ensemble des intervenants, états, entreprises, et particuliers.
Les politiques monétaires envisagent de remonter les taux et d’inverser durablement les manœuvres accommodantes réalisées jusqu’à présent (allègement des bilans).
Pour le moment la FED a commencé dans cette voie, en remontant très graduellement les taux depuis fin 2015 et en ayant commencé à alléger son bilan. Mais au regard des manœuvres des principaux banquiers centraux de la planète pris dans leur ensemble, cette inversion de politique monétaire reste très modeste à ce stade. Les bilans sont toujours aussi élevés, et ce que la FED n’injecte plus est compensé par la Bank of Japan, la BCE, et par les chinois via la PBOC.
En principe, par effet de concurrence d’une remontée des taux VS l’or (un actif qui, rappelons le, ne verse pas d’intérêt), toute remontée de taux est en principe défavorable à l’or jusqu’à une certaine limite, et dans certaines circonstances uniquement. Par exemple, une hausse des taux n’est pas défavorable à l’or, si elle est accompagnée d’une hausse de l’inflation : les « taux réels », tenant compte de l’inflation, restent à des niveaux faibles et donc la concurrence ne s’enclenche pas.
Le problème est qu’une remontée de taux significative, ou en tout cas une inversion durable des manœuvres accommodantes telle qu’envisagée par les politiques monétaires pose la question de la solidité du système et de la contrainte posée par l’arrêt du crédit facile et donc des principaux moteurs de la hausse des marchés. De plus, en raison de l'arrivée à maturité d'un volume considérable de dettes, les besoins de refinancement sont énormes. Si certains marchés financiers baissent, des opérateurs vont être contraints de liquider leurs positions spéculatives à crédit (carry trade). Le risque significatif consiste en un effet domino, avec contagion à d’autres marchés.
Dans ce scénario, l’or peut s’en trouver gagnant en tant que valeur refuge traditionnelle.
2) Alourdissement du déficit budgétaire américain. Au rythme actuel, l’encours de la dette fédérale pourrait être augmenté de plus de 5 % par an sur un niveau déjà astronomique.
3) Bilan des banques centrales lesquelles ont accumulé le « passif de la crise », au prix d’un accroissement du risque d’accident monétaire.
4) Le sujet sensible de l’inflation : pour le moment, pas de hausse durable ni des salaires malgré un taux de chômage extrêmement faible et des capacités productives proches de leurs maximum, ni des prix en dehors des composantes volatiles (pétrole). D’ailleurs, le marché obligataire semble ne pas y croire avec taux US à 10 ans repassés en dessous 3 % voire 2.90 %. Mais cela est en train de changer : de nombreux indicateurs d'inflation finissent par pointer vers le haut.
Quoiqu'il en soit, il peut sembler étonnant que l'inflation ne soit pas repartie plus tôt. Ces circonstances sont exceptionnelles, mais exceptionnelles au même titre que les politiques monétaires pratiquées sur la dernière décennie, mettant en œuvre des paramètres de taux et des injections monétaires sans contrepartie de richesse véritable. L’argent créé a surtout alimenté les marchés financiers, et bien moins l’économie réelle.
A ce sujet un graphique, comparaison du financier VS l’économie réelle :
Mais attention ! Si la hausse des salaires a lieu, l’inflation sera difficilement gérable par les autorités. Si elle se réveillait de manière significative (elle peut être exacerbée par la guerre commerciale), elle ne pourrait être cantonnée qu’au travers de fortes hausses de taux directeurs, événement fort défavorable dans le cadre d’une économie et de marchés endettés et leveragés.
Un tel scénario peut être favorable à l'or en tant que valeur-refuge, de même qu'une inflation forte constitue généralement un facteur favorable à l’or.
Les marchés, contrairement à ce qu’on peut entendre ici et là, sont leveragés. C’est le résultat de 10 années de crédit gratuit :
L’or constitue un actif de diversification dans un contexte de marchés financiers :
1) ayant bénéficié d’une ascension fulgurante et caractérisés par des niveaux de valorisation historiquement élevés ;
2) contrôlés par les ordinateurs avec des ratios d’emprise importants (lire le livre Flash Boys de Damian Lewis qui a 4 ans, donc avec les développements récents de la gestion passive c’est sans doute encore pire que ce que l’on peut imaginer) ; Comme en 29, un jour le consensus se rompra et l’une des grosses baleines vendra. Alors le run pourra débuter, sauve qui peut. On présentera l’addition, et il faudra passer à la caisse. Les risques liés aux passifs accumulés sont devant nous, pas derrière.
3) sujets à des épisodes de reprise brutale de volatilité (février et août 2018) – cf. émergents, devises et périphériques ;
4) dans lequel chaque algorithme ou chaque humain derrière l’algorithme se croit plus malin que les voisins, et pense qu’il pourra sortir avant les autres (phénomène vérifié par la tendance à privilégier dernièrement des grandes capitalisations très liquides notamment sur la tech avec Amazon, Apple, Microsoft…)
Ce graphique met en évidence ce phénomène en comparant la performance du S&P 500 avec ou sans les trois géants américains :
Les FAAMG (Facebook, Apple, Amazon, Microsoft et Google) ont une capitalisation totale de 4.1 trillions de dollars, montant identique à la capitalisation combinée des 283 plus petits titres du S&P 500 selon BoA Merrill Lynch. La question des risques liés à une telle concentration mérite évidemment d’être posée.
Mais même sur ce thème, des divergences apparaissent. Les afflux ont ralenti ces derniers mois (et même ces tous derniers jours) :
5) La demande pour l’or physique (bijouterie, investissement et technologie) reste robuste.
Jusqu’à présent, le dollar fort a pénalisé les émergents et certaines autres classes d’actifs cantonnées (bancaires, matières premières).
Les émergents sont en difficulté du fait de leurs dettes libellées en dollar. La Turquie est l’exemple presque caricatural, avec une concentration de défis politiques, monétaires, économiques et sociaux. L’exposition des banques européennes à la Turquie a d’ailleurs mis en difficulté ces dernières. Cela a remarquablement été anticipé par Charles Gave dans l’un de ses articles datant du S1 2018.
D’ailleurs, voici un aperçu de la couverture offerte par l’or lorsque les désordres monétaires apparaissent :
Source : Bakersteel
Tandis que les difficultés financières restent concentrées à ce stade sur les émergents, il n’est pas exclu que des effets de contamination se répercutent sur le monde occidental, et notamment sur les US.
Un dollar trop fort trop longtemps leur serait d’ailleurs préjudiciable. Sans parler d’acteurs systémiques comme Deutsche Bank qui seraient mis en très grande difficulté… C’est pourquoi le resserrement monétaire ne peut tout simplement pas être trop fort, et on comprend que les banquiers centraux évoluent sur une ligne de crête entre :
- D’une part la nécessité de resserrer les conditions monétaires pour contenir le risque inflationniste / régénérer de nouveaux amortisseurs en cas de crise.
- D’autre part l'obligation de maintenir des conditions monétaires laxistes en raison de l’endettement global de l’ensemble des acteurs habitués à une politique de taux d’intérêt zéro et de crédit gratuit.
CONCLUSION
L’intérêt des investisseurs pour la classe d’actifs de l’or et des minières aurifères est actuellement proche d’un plus bas. Les valorisations des minières aurifères sont à des niveaux très faibles (énorme contraste par rapport à l’ensemble des autres classes d’actifs sur les marchés financiers).
Il convient également de rappeler que le secteur est en proie à des vagues de fusions/acquisitions, notamment en raison de la diminution du niveau de réserves des grandes minières, encouragées à envisager des rapprochements. De plus, avec une baisse des cours de l’or de près de 7 années, le secteur s’est considérablement assaini : les minières qui ont pu tenir jusqu’à aujourd’hui seront les grandes gagnantes lorsque les cours repartiront à la hausse.
En raison de la faiblesse des positions acheteuses sur la classe d’actifs, il est difficile d’imaginer une poursuite durable des liquidations.
Pour l’ensemble de ces raisons, alors que depuis 2009, pour s’enrichir, il suffisait de se mettre dans le sens de la FED et acheter des actions, acheter de l’or (ou minières aurifères) fait aujourd’hui plus sens que jamais après la correction post 2011, et de surcroît suite à la correction récente.
L’aplatissement de la courbe des taux, combinée à des niveaux de valorisation hors normes, invite à diversifier son portefeuille.
Lors des précédents bull markets sur l’or, le cours a augmenté de 289 % de 2001 à 2008, et de 156 % de 2009 à 2011. Aujourd’hui, avec un cours de l’or supérieur de seulement 14 % par rapport aux plus bas de 2015, le potentiel est manifestement important.
La situation de statu quo (marchés occidentaux restant dans les mêmes bandes de fluctuation), combinée à un renforcement de l’USD a été très défavorable à l’or dernièrement, et cela pourrait continuer encore un temps. D'ailleurs, lors des premières vagues de liquidation, l'US Dollar joue son rôle de valeur refuge et se renforce, ce qui est défavorable à l'or.
L’or joue également un rôle de thermomètre de la confiance des opérateurs de marché envers les banquiers centraux. C’est aussi un actif qu’on pourrait qualifier de géo-stratégique : l’or physique étant réputé être passé de l’ouest à l’est (beaucoup de banquiers centraux hors US cherchent à en accumuler), la classe d’actifs est une dérivée inverse du dollar. L’or, c’est la devise de référence physique, tandis que le dollar est la devise de référence en terme de monnaie. Comparer l'or et le dollar, c’est comparer un étalon de base non duplicable mais non utilisé, à une devise servant de base au système financier mondial, très utilisée mais également manipulable à souhait. Regardez comment les russes et les chinois gèrent leurs réserves de change.
D’ailleurs, nous n’avons pas évoqué l’état de la situation financière, monétaire et économique de la Chine dans ce post, mais il s’agit d’un sujet à enjeu majeur pour les mois à venir. Avec un pied sur l’accélérateur, et un autre sur le frein, entre risque de fuite en avant et risque de ralentissement profondément déflationniste, les autorités chinoises évoluent sur une ligne de crête.
Tant que les marchés occidentaux ne sont pas contaminés et que seuls les actifs les plus à risque souffrent (émergents), l’or ne sert absolument pas de valeur refuge dans nos monnaies de référence. Il faut être patient, investir et renforcer ses positions avec discipline.
Il est impossible de prévoir si les marchés actions vont continuer à monter, notamment grâce à d’inévitables futures manœuvres de banquiers centraux, ou s’ils vont corriger.
La beauté de la classe d’actifs des minières aurifères, c’est qu’elle peut performer fortement dans les deux cas : rôle de valeur refuge en cas de baisse des marchés, et rôle de protection par rapport au dollar (ou par rapport à la Monnaie au sens large) en cas de nouvelles innovations de politiques monétaires qui auraient pour effet de dévaluer la Monnaie avec un grand M par rapport aux actifs de toute sorte.
En revanche, si vous croyez à une vraie sortie par le haut, avec un vrai resserrement des politiques monétaires, et sans qu’il n’y ait aucun d’accident (défauts massifs ou forte inflation), n’investissez surtout pas sur cette classe d’actifs.
Andy BUSSAGLIA
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