On a déjà doublé la mise depuis le début de l’année !
Les actions de sociétés minières aurifères exploitent les mines d’or, leur évolution des cours est corrélée à l’évolution des cours de l’or avec un effet amplificateur considérable (à la hausse, comme à la baisse).
Après cette spectaculaire progression, quel est le potentiel de hausse, avec quel potentiel de baisse ?
De mon point de vue, l’or bénéficie d’un couple rendement / risque asymétrique, nous y reviendrons.
D’abord, rappelons le contexte et prenons un peu de recul :
Les inquiétudes sur la crédibilité des banques centrales perdurent depuis septembre 2015, avec un tournant important : l’hésitation de Janet Yellen, patronne de la Federal Reserve, sur la décision de remonter les taux (les FED funds, ou, en quelque sorte, les taux directeurs américains).
De mon point de vue, cela constitue un cap fondamental, puisque les marchés (notamment US) viennent de connaître une période de six années de hausse ininterrompue dont la dynamique a justement été en grande partie insufflée par les politiques accommodantes des grandes banques centrales de la planète : baisse des taux, quantitatives easings à répétition…
Ce n’est désormais un secret pour personne que les fondamentaux restent très fragiles en dépit de chiffres conjoncturels plutôt rassurants. Si création de monnaie rimerait avec création de richesses & croissance, ça se saurait, et le Zimbabwe serait le pays le plus riche au monde.
Nous venons tout de même de connaître 5 trimestres de recul des résultats des sociétés US, avec des marchés qui n’ont absolument pas corrigé, bien au contraire. Le traditionnel « c’est moins bon que le trimestre d’avant mais c’est mieux que prévu donc on achète » fonctionne toujours aussi bien.
Les marchés sont donc chers (cf PER), mais les banques centrales continuent de rassurer les investisseurs (cf dernières annonces de Shinzo Abe au Japon avec un plan de relance à 240 milliards d’euros). Ou plutôt, via leurs actions massives, les banques centrales font baisser les taux, ce qui fait relativiser aux investisseurs la cherté du marché actions. Et encore, quand elles ne rachètent pas directement des ETF actions comme c'est le cas au Japon !
Notons également le rythme d’accroissement des bilans des banques centrales en Chine, et en Europe. Ça en deviendrait presque caricatural.
Tenons aussi compte du fait que la FED maintient son bilan à un niveau élevé (de l’ordre de 4 000 milliards d’USD) en renouvelant les assets arrivant à maturité (renouvellement annuel de l’ordre de 8 % de son bilan, soit environ 25 milliards d’USD par mois, ce chiffre me semble en totale contradiction avec l’idée répandue de durcissement monétaire…)
Tout cela signifie que si les investisseurs recommencent à mettre en doute la crédibilité des banquiers centraux, nous risquons de voir revenir les inquiétudes, et donc potentiellement des dégagements sur les actifs risqués, avec en parallèle un afflux vers les actifs refuges (le fameux « flight to quality » vers, sans être exhaustif, les obligations souveraines core, l’or, le franc suisse, le cash).
Point de vue tactique / court terme :
Dans le scénario de remise en cause de la crédibilité des banquiers centraux du point de vue des investisseurs, l’or devrait vraisemblablement monter à moins que :
1) L’effet refuge sur le dollar soit plus fort (le dollar est inversement corrélé à l’or donc si le dollar monte, il y a de fortes chances pour que le dollar baisse).
Et / ou
2) Les investisseurs anticipent une hausse des taux de la FED étant donné leur perception de la solidité des indicateurs conjoncturels publiés à propos de l’économie US.
Point de vue stratégique / long terme :
Pourquoi disais-je en début d’article que les minières aurifères représentent, de mon point de vue, un couple rendement / risque asymétrique ?
Finalement, lorsque l’on prend du recul, on peut imaginer trois issues à long terme :
1er scénario : L’économie repart réellement, à un rythme permettant d’absorber nos montagnes de dette. La robotisation, l’uberisation, la nouvelle économie créent réellement de l’emploi durable, la qualification professionnelle et la maîtrise des dépenses publiques est au cœur des préoccupations des politiques, l’épargne des ménages est efficacement fléchée vers le financement de l’économie réelle, nos systèmes sociaux sont sauvés, et moi, je danse aussi bien que Patrick Swayze dans Dirty Dancing. Plus sérieusement, toute remontée de taux de la FED devra être envisagée de manière très progressive, et surtout en présence obligatoire d’inflation, compte tenu de l’endettement (public + privé) des économies occidentales. Une remontée des taux sans inflation pourrait être mortelle pour notre bulle massive d'assets leveragés. Ce point est capital, car en revanche, si nous avons une hausse des taux nominaux avec une hausse de l’inflation, les taux d’intérêt réels(taux minorés de l’inflation) resteront négatifs, ce qui est favorable à l’or.
2e scénario : Les crises de défaut de paiement et les scénarios de panique se révèlent de plus en plus fréquent, le bout du bout des politiques monétaires est atteint, les problèmes de solvabilité de Deutsche Bank deviennent insurmontables, la montagne de produits dérivés explose : voilà qui devrait irrémédiablement faire monter l’or en tant que valeur refuge.
3e scénario : On se complaît dans notre environnement de taux négatifs. Les initiatives monétaires et budgétaires sont multipliées, nous permettant de continuer à vivre dans un monde de croissance faible. Pour se faire, il est évident que sous une forme ou sous une autre, la manipulation monétaire se poursuivra avec des expériences toujours plus novatrices (helicopter money, taux d’intérêts négatifs, subventions à la consommation et au crédit, sauvetages d’acteurs en défaut…). L’histoire l’a toujours vérifié : les manipulations monétaires ont toujours profité à l’or.
Bref, indépendamment de tout pronostic sur le scénario à venir, l’or semble constituer la meilleure assurance contre les tourments de ce monde, moyennant un risque à la baisse qu'il faut prendre en compte, et nous y reviendrons ci-après.
Sans oublier bien entendu les grands arguments traditionnels en faveur de l’or, qui sont plus que jamais d'actualité :
- Par le passé, les cycles haussiers sur les cours de l’or ont toujours duré, au minimum, entre 3 et 5 ans. Si l’histoire se répète, l’impressionnante hausse que nous connaissons depuis le début d’année n’en est qu’à ses débuts.
- Couverture contre une prochaine faillite de la politique monétaire et budgétaire des pays développés.
- Couverture contre un scénario de « fuite devant la monnaie » : personne ne se préoccupe du fait que les grandes banques centrales de la planète on injecté 12 000 milliards de dollars depuis 2009, créés à partir de rien. Jusqu'à quand la confiance absolue se maintiendra ? La récente évolution des cours de l'or est peut être un signe avant coureur.
- Analyse intéressante de Tocqueville Finance, (qui gère le fonds Tocqueville Gold), selon laquelle l’or physique est extrêmement rare par rapport à la demande potentielle qui pourrait être activée si le climat change sur les marchés.
« Cela parce que 99 % de l’or échangé l’est sous la forme de contrats- papier (contrats à terme, ETF, produits dérivés, etc.) réglés en espèces et non en métal physique. Dans une crise financière, le risque de contrepartie devient souvent une préoccupation primordiale ce qui conduirait à une ruée sur le système de négociations d’or basé sur le crédit et réglé en espèces. Les afflux vers les ETF aurifères, qui doivent refléter des augmentations de stocks physiques, déclencheraient probablement une explosion du prix de l’or à cause de sa rareté sous forme physique. »
- Corrélation historiquement négative de l’or par rapport aux marchés boursiers, à noter que ces derniers semblent rentrer dans un cycle baissier après six années de hausses consécutives.
- Particularité de l’intérêt pour les minières aurifères par rapport à l’or (en plus du fait que cette thématique est souvent mieux praticable au sein des contrats d’assurance-vie au travers de fonds souvent bien référencés, cf. ci-après) : les minières aurifères ont beaucoup travaillé ces trois dernières années sur la réduction des coûts et nombre d’entre elles ont adopté une rigoureuse discipline financière pour obtenir un coût de revient en ligne avec le cours de l’or qui a considérablement baissé au cours de ces dernières années. L’évolution relative des actions de minières aurifères par rapport au cours de l’or est de l’ordre 1 pour 4 (à la hausse, comme à la baisse…). Ici, le travail de sélection est néanmoins extrêmement important. En effet, compte tenu du contexte incertain pesant sur le secteur, peu de projets d’investissement ont été initiés au cours de ces dernières années. Pour pouvoir profiter à plein de la reprise des cours de l’or, il faut avoir des capacités productives honorables, et cela n’est pas donné à toutes les sociétés minières aurifères. La sélection des bons fonds d'investissement qui sélectionneront les bonnes minières aurifères est donc primordiale.
Mise en pratique
Je suis positionné depuis le 30/10/2015 sur cet actif, dans le cadre du concours organisé par UNEP et Quantalys, ce qui m'a permis de réaliser de substantiels gains.
Pour des contraintes d’éligibilité, j'ai sélectionné le fonds Tocqueville Gold dans le cadre du concours, mais je travaille également, dans la "vraie vie" avec d'autres fonds : BGF World Gold Fund géré par Blackrock, Share Gold de la banque Degroof, et R Mines d'Or géré par Rothschild. Vous pouvez retrouver ces fonds sans trop de difficulté dans votre contrat d'assurance-vie.
Je me suis allégé et réexposé depuis, en profitant de la consolidation.
Les minières aurifères me semblent intéressantes du point de vue tactique : après un mois de juillet considérablement haussier sur les marchés financiers, et compte tenu des risques en présence (banques italiennes, poursuite de la dévaluation du yuan…), il peut être intéressant de ne pas négliger les actifs décorrélants sur le mois d’août. Néanmoins, il s’agit d’une position risquée étant donné le parcours déjà réalisé depuis le début d’année :
Source : Quantalys
Quand un actif a beaucoup évolué à la hausse, il convient de prendre garde, question de bon sens...
Ce dernier point est à relativiser pour deux raisons, en plus de toutes celles évoquées depuis le début d'article :
1) Nous sommes loin des plus hauts historiques, comme en témoigne le graphique ci-dessous :
Source : Quantalys
2) La récente consolidation « à plat » est plutôt rassurante, et la résistance de l’or est impressionnante en comparaison des événements en présence, qui auraient dû avoir un impact très négatif sur les cours de l’or : dernières rumeurs de hausse des taux de la FED, et mode « risk on » des marchés.
Jugez-en :
Finissons toutefois par une mise en garde, les max drowdown sur la classe d'actifs peuvent être très longs et difficilement supportables.
Regardez ce qu'ont dû supporter les investisseurs positionnés entre le 06/12/2010 (point haut) et le 20/01/2016 (point bas) :
Source : Quantalys
Andy Bussaglia